Point GPS :
47 °32.597N
002 °53.660W

 

 


Rémy, capitaine © Carnets de route, 2003.

 


Fred, second à bord © Carnets de route, 2003

 


Alex, matelot © Carnets de route, 2003

Samedi 13 septembre 2003, 11h30
À bord d'Emma, port du Crouesty,
à l'entrée du golfe du Morbihan,
dans la fameuse Bretagne.

 

 

 

Bonjour à tous,

Voici le début de notre aventure, si longtemps attendue, si fortement désirée. Ce matin, samedi 13 septembre 2003, à 11h30 environ, le sloop Emma (rush croisière) a largué ses amarres du port du Crouesty, direction La Corunua.

Après les dernières courses (pharmacie, matériels oubliés, nourriture, drapeaux de courtoisie espagnol et portugais...), nous rangeons les outils qui faisaient notre qutidien depuis six mois et nous en sortons de nouveaux : cartes, instructions nautiques, compas de relèvement... Ceux-ci formeront nos ustensiles de tous les jours pendant au moins trois jours, jusqu'à notre arrivée en Espagne.

Sans vraiment comprendre ni imaginer ce qui nous attend, nous allons enfin découvrir le grand large.

Le bonheur du départ est comme une sorte de pain brioché qui, attendant d'être dévoré à pleines dents avec du beurre salé de Guérande, est momentanément dans un frigo et gonfle doucement au gré de la pendule.

Rémy

 

 
 

Partons-nous vraiment ? Depuis le temps qu'on s'y prépare, j'ai du mal à réaliser. Ces derniers "Au revoir" de l'année avec nos proches semblaient dire "À la semaine prochaine", une bien longue semaine...

Nous n'avons pas encore pû tester ce régulateur d'allure qui nous a coûté tant de connexions neuronales, et tant de sueur. Sera-t-il vraiment ce quatrième homme à bord qui tiendra la barre sans faillir ? Les réglages faits cet après-midi nous le diront. La plate-forme qui va avec nous fait d'ores et déjà gagner un mètre de surface "habitable" sans rallonger Emma. Sur 9 mètres 20 en tout, ça fait beaucoup, c'est notre terrasse.

Il y a d'appétissants bocaux bien rangés dans le coffre"gourmandises", du matériel de pêche tout neuf, comme toutes ces cartes qui attendent de prendre l'humidité. La ligne de flottaison immergée nous montre qu'Emma a pris du poids ces temps-ci. Reste à vider les outils mais à remplir la vache à eau aussi. On sera très bientôt allégé d'une bouteille de champagne ! Que vous dire de plus pour l'instant, à part que le capitaine vient de disparaître !

Vous pouvez nous écrire sur : atlanticanopee@free.fr
Attention, n'envoyez que du texte à cette adresse. Sinon notre boîte risque de se bloquer car nous recevrons les emails par l'intermédiaire d'un téléphone portable, donc tout excès de volume nous coûte trop cher et risque de gêner le bon fonctionnement de nos échanges. Je pense créer une boîte dédiée aux photos plus tard...

Il y a mille et une choses à raconter, déjà avant même d'être partis. N'hésitez pas à nous poser des questions, nous prévenir de nos répétitions et de nos erreurs. En espérant vous rencontrer lors d'une escale matérielle ou virtuelle, je vous embrasse tous,

Alex
PS : c'est bon, Cap'tain est réapparu !

 

 
 

C'est enfin aujourd'hui le départ tant attendu. Nous ne réaliserons vraiment que lorsque nous aurons quitté la baie de Quiberon, passé Belle Île en Mer et alors, bercés par la longue houle de la pleine mer...

Pour le moment, Nath et Riboulon sont avec nous pour nous souhaiter bon vent et célébrer l'événement. Le téléphone ne cesse de sonner, nous sommes encouragés... merci...

Je ne sais pas vraiment ce qui nous attend, j'ai déjà le mal de mer au port, mais j'ai emporté de la crème solaire 60 et du papier aluminium pour l'Afrique... Nous espérons avoir de vos nouvelles et nous essaierons de notre côté d'en donner dès que possible. D'ici là, j'aurai peut-être appris à taper avec plusieurs doigts. Rendez-vous à la Corogne, après le golfe de Gascogne.

Fred

 
   
© Carnets de route - 2001. Valérie VdP, le 16/09/2003. Tous droits réservés.    
   
   
   
Point GPS :
43°22 N
08°23 W


Rémy © Carnets de route, 2003


Fred © Carnets de route, 2003


Alex © Carnets de route, 2003

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La Coroña, 14 heures

Après un départ du Crouesty, à la fois plein d'excitation et de mélancolie, nous passons une soirée merveilleuse sous la pleine lune par une mer d'huile au large de Belle Île en Mer.

Dimanche matin, nous entamons véritablement la traversée du golfe de Gascogne visiblement clémente. Cependant, Emma est assez malmenée par une houle d'Est courte et mal formée qui nous arrive de trois quarts arrière. Nous ne sommes pas encore amarinés, on s'en rend bien compte !
Le vent nous porte bâbord amures, à 7 nœuds de moyenne, ce qui nous paraît énorme. Nous serons donc rapidement en Espagne. Les quarts se mettent lentement en place, chacun prend son rythme. Nous avons établi de faire quatre heures de barre, suivies de quatre heures de navigation, puis de quatre heures de sommeil, ce qui permet d'avoir toujours deux personnes éveillées pendant qu'une troisième se repose.

À partir de lundi, la houle sera plus longue et beaucoup plus agréable. Il fait très beau, c'est un vrai bonheur de naviguer sous spi dans des conditions pareilles. Nous rencontrerons plus tard deux équipages français qui, partis en même temps que nous et faisant route plus à l'Est, ont été, à notre grand étonnement, pris dans du gros temps.

On en profite pour tester notre matériel de pêche. Bientôt notre première prise est remontée à bord, c'est sans doute un coryphène... À voir, mais il y a largement de quoi assurer le repas ! Nous sommes régulièrement accompagnés par des dauphins, parfois même jusqu'à une vingtaine qui s'amuse tout autour d'Emma. Nous aurons même la chance de croiser deux baleines : événement, malgré qu'elles restent à distance, c'est la première fois que nous en rencontrons.

Mardi, nous arrivons dans la rade de La Coruña, impatients de toucher la terre espagnole. On peut déjà deviner un port important car nous croisons beaucoup de cargos. À 20h30, on amarre Emma au ponton visiteurs, et après une douche bien venue, on part dans la vieille ville. L'ambiance y est bien chaleureuse et on dégustera du poulpe, spécialité locale, présenté retourné dans une coupe de champagne débordante de tentacules.

Suite à ce délicieux repas et, de retour au bateau, nous sommes interpellés par des Français qui connaissent notre histoire sans nous avoir jamais vu, et qui ont presque le même parcours que nous, sur un Océanis 37, avec lesquels nous passerons deux jours agréables. Mais ils sont partis ce matin pour Camariñas, et, nous nous retrouverons ou aux Îles Cies, ou a Lisbonne, ou au pire aux Canaries. En ce moment, nous voulons filer vers le Sud, pour avoir plus de soleil et de chaleur.

Rendez-vous dans deux ou trois jours pour la suite.

À bientôt !

Bon, là c'était Fred, suivi de Rémy.
Moi j'écrirai plus tard, salut à tous, Alex.

 
   
© Carnets de route - 2001. Valérie VdP, le 22/09/2003. Tous droits réservés.    
   
   
   
 


Une mer pétole pas pétrole © CdR, 2003


Rémy, les drapeaux, le sourire ! © CdR, 2003



J'ai pêché un truc ! © CdR, 2003.



 

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À bord d'Emma, lundi 15 semptembre 2003

C'est drôle, je commence mon journal au moment où nous quittons les eaux territoriales françaises. En effet, nous passons la frontière avec l'Espagne au point GPS 45°14.1 N et 05°46.0 W, à peu près à la même lattitude que Bordeaux. Ainsi, nous quittons la métropole, Alex et moi pour dix mois, Fred, lui, reviendra en France, vraisemblablement en décembre.

Nous avons largués les amarres au port du Crouesty dans la commune d'Arzon, de la place visiteur V2 26, le samedi 13 septembre à 14h05, en présence de ma chère sœur Nathalie et de son mecton Riboulon. Cela fait donc près de 36 heures que nous navigons dans le Sud Ouest et je me décide seulement maintenant à prendre la plume. Les divers travaux à effectuer, le rythme à prendre et surtout une fâcheuse feignantise à l'écriture depuis un certain temps sont les principaux motifs de ce retard, mais cette fois-ci, c'est bien parti.

Partis pour une belle aventure, oui. Nous avons deux à trois semaines de retard sur le départ prévu, et il était temps de hisser la GV (Grand Voile) et de filer de ce port où je suis depuis le 15 avril, à tailler, réparer, acheter, lister, programmer... Bref à faire de ce petit Rush un vrai Transalteur et à faire se réaliser ce projet. Cette fois-ci, c'est bon, nous sommes partis et j'ai du mal à trouver les mots qui qualifieraient mon bonheur et aussi ma fierté. Ce que j'aime beaucoup dire, c'est qu'en prenant la mer, on ne va pas forcément au plus facile, mais on choisit ses contraintes, et avec celles-ci, on ne peut pas tricher : c'est aussi un très bon moyen de se retrouver face à soi-même.

Nous avons laissé au port les contraintes terrestres qui forment notre qutidien depuis des décennies et, pour la première fois, nous sortons momentanément de la civilisation si conformiste. Nous voici coupés du monde en sachant que, maintenant, nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes.

Cette idée de transat (un peu farfelue), il me semble l'avoir eu aux alentours du mois de septembre 2001. Voici donc deux années passées à préparer ce projet. Beaucoup de temps, d'argent et d'énergie consacrés à former mon bonheur et aujourd'hui, pour mener à bien et, si possible, à très bien cette entreprise : j'ai confiance en moi, en mon bateau et en mon équipage (et ça, c'est déjà pas mal!).

 

À bord d'Emma, mardi 16 septembre 2003, 11h45

Je suis de quart de barre mais elle est amarée et nous filons tout droit sur La Corogne que nous atteindrons dans environ 7 heures. Ainsi j'ai tout le temps d'écrire. Je me trouve dans le cockpit avec la table et Fred en face de moi, à la même occupation.

Hier fut une journée magnifique : vers 9h30, une demi-heure après mon début de quart de barre, nous avons installé le fameux régulateur d'allure qui, pour une première, ne se débrouillait pas si mal avec une houle de 3/4 arrière (ce qui est la pire pour la marche du navire). Emma faisait quand même des écarts de 60°, ce qui n'est pas forcément beaucoup plus mauvais qu'un barreur très fatigué ; et puis, on n'est pas des régatiers. Cette petite merveille qui nous a coûté tant d'efforts, a sû tenir pendant 7 à 8 heures ; ce qui m'a permis de nettoyer en grand le cockpit (enfin), de faire la vaisselle, d'installer le pavillon de courtoisie (le drapeau espagnol) sous la première barre de flèche tribord, ainsi que les drapeaux de prière tibétains (une petite pensée pour les rédacteurs de Carnets de route !), suivis du pavillon français, qui devient obligatoire (le mien date de juillet 1998 : cela vous dit quelque chose ?).

J'ai pû aussi me consacrer un peu plus sérieusement à la nav et notamment aux I. N. (Instructions Nautiques : ouvrage maritime obligatoire et contenant des millions d'infos intéressantes concernant la zone de nav à laquelle ils se rapportent : vents, courants, marées, trafics, ports, atterrissage, mouillages, dangers et législations maritimes), ainsi qu'à la BLU (Bandes Latérales Uniques), récepteur radio en ondes courtes qui permet, entre autres, d'avoir des bulletins météo très loin des terres. Tous ces petits travaux ont un intérêt fabuleux car ils améliorent le quotidien et de plus, c'est passionnant et drôle !

Ensuite vers 11 heures, nous avons pêché sûrement une daurade coryphène, je dis sûrement, car ni Fred ni moi, pourtant aidés de nos ouvrages sur les poissons, n'avons pû confirmer que s'en était une.

À l'instant, avec Fred, nous venons d'interrompre notre écriture pour admirer, une fois de plus, un banc de dauphins communs.

Bref, ce poisson était délicieux frit à la farine hier soir, avec la table dans le cockpit. Ensuite, nous avons mis les voiles en ciseaux et vers 17 heures, le beau spi jaune d'Emma se déployait sur une mer quasiment plate et par un vent EINE qui s'y prêtait bien. J'aurais bien gardé cette magnifique voile pour la nuit (car je n'ai jamais encore navigué sous spi de nuit) mais le vent a refusé dans la soirée (il s'est rapproché du près) et du coup, le spi n'était plus la voile adéquate pour cette allure ; nous l'avons donc affalé avant de passer à table. Mais entre temps, des dauphins sont passés à environ 100 mètres du bateau et ces chères créatures étaient accompagnées de 3 ou 4 baleines mesurant 8 à 10 mètres...

Après le repas, Fred et Alex vont se coucher, et j'amarre la barre (cap droit sur La Corogne). Ainsi j'ai pu écouter la musique une bonne partie de la nuit, tout en contemplant le ciel parsemé d'étoiles, avant que la lune, descendante mais au trois quart pleine, ne vienne me les camoufler. En ce moment, elle se lève aux alentours de minuit et diparait au SW vers 11 heures du matin.

Cette nuit fut enchanteresse jusqu'à trois heures du matin, heure à laquelle Alex prend son quart. Je me suis alors installé dans la couchette bâbord jusqu'à 8h30 et ce matin, en guise de petit déjeuné, avec mon thé et la brioche bretonne, j'ai eu droit à un ballet de dauphins qui ont joué avec la vague d'étrave. Fred vient d'essayer de faire du riz à la vapeur avec l'eau de mer et à entendre le bruit de cette matière entre ses dents, cela demande de l'amélioration !

La mer est totalement plate, nous filons nos trois nœuds, le soleil est au rendez-vous (comme à son habitude), il est 13 heures et j'interromps mon écriture pour une activité bien spécifique à la marine à voile : l'Apéro Tchao.

 
   
© Carnets de route - 2001. Valérie VdP, le 26/09/2003. Tous droits réservés.    
   
   
   
 


La Coroña, le port © CdR, 2003


Rencontre avec l'équipage du Folalier, Steven et William.


Allo Folalier, me recevez-vous ? © CdR, 2003


Lachez-moi ! © CdR, 2003


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Vendredi 19 septembre 2003, 2h30 du matin, port de La Coroña

La Corogne. C'est le naufrage du Prestige qui m'a fait découvrir que ce coin existe. Les guides nous ont révélé les origines celtes de ce peuple, c'est l'Irlande espagnole en quelque sorte, et ça se retrouve dans l'ambiance, la déco, les symboles, tel le trisquel et les faciès des blonds latinos. La ville me rappelle un peu Londres, grandes et larges avenues, immeubles-bunkers aux proportions démesurées et styles hétéroclytes ; la vieille ville est bondée de boutiques, tables et comptoirs, pubs... Les ruelles ont le fumet des poulpes-calamars, spécialité du coin (il parait même que le poulpe est aphrodisiaque !).

Dans leurs constructions folles, on trouve beaucoup d'artisanat, faïences, mosaïques, ferronneries, taille de pierres. Un artiste urbaniste a même déposé violemment une galette de pâte neurotoxique et mutagène sur les poignées d'entrée d'un blaukaus-banque actuellement fermé. "Nada mas" disent certaines affiches : plus jamais ! Il semble que ces dernières années noires ont été les gouttes qui font déborder le pétrolier, le peuple en a marre mais que peut le pot de terre contre la double coque de navire aux origines inconnues. L'économie semble régner en maître aveugle ici, la jeunesse ne pas trouver sa place ailleurs que sur la plage et dans les bars.

Nous avons rencontré l'équipage du Folalier, reliant Brest à San Francisco, Steven et William, qui sont en fait des amis d'une amie à nous. Première escale et déjà une rencontre plus qu'inattendue ! Rémy, Will et moi avons couru le long de la côte, par devant le phare d'Hercule, sous les pylônes de la route côtière, en bord de falaises, dans des coins ressemblant à un après-civilisation chaotique, pour finir sur cette plage encerclée par la ville, paradis des urbains accro de sable fin. Fred et Steve nous attendaient avec ballons et pic-nic, bain de minuit, longues conversations, bien dormi ce soir-là.

Le lendemain, en préparant le départ, nous échangeons des cartes et des opinions avec l'équipage allemand du Tamam Tamam, Tobias et... je ne me rappelle plus son prénom. Eux n'ont que 3 ou 4 cartes, mais ils ont le téléphone satellite et la balise de détresse, alors que nous avons trop de cartes, juste un tél portable classique, pas de balise. Dans les deux cas, le problème vient du budget face auquel les choix diffèrent, mais eux ont été bien heureux de trouver nos cartes. Si on les recroise au milieu de l'Atlantique, ce sera leur tour de nous rendre service avec leur téléphone satellite. En espérant que la balise n'ait jamais à servir ou à manquer, bonne mer et bon vent les gars !

Avons quitté La Corogne, pas vu de pétrole en mer et la côte est embrumée. Par contre, les déchets flottent par bandes, comme pour indiquer le chemin que nous suivons. Il y a plein de crabes qui nagent à la surface de l'eau ou juste en dessous, alors que le fond se trouve à plus de 100 mètres (je ne m'étonne plus que l'on en rencontre à plus de 30 mètres du sol dans les arbres tropicaux). Une baleine a encore croisé notre route, on ne compte plus les dauphins.

 

Samedi 20 septembre 2003, vers 23 heures, Ria de Camariñas, au cyber café où nous perdons patience face aux culs de sacs informatiques.

Nous pensions aller directement jusqu'aux îles Cies, mais la dépression a calmé nos ambitions — fatigue, humidité, mal de mer plus léger mais toujours épuisant. Heureusement que notre chef de bord n'y est pas sensible pour assurer toutes les tâches difficiles dans ce cas (bouffe, rangements...).

Une semaine déjà !
Une semaine seulement !
Tant de choses en si peu de temps. Comme dans les arbres, le temps n'est plus le même en mer. Presque chaque voyage perturbe l'horloge humaine, mais là, c'est la cinquième dimension !

Les nombreuses plantations d'éoliennes me réchauffent le cœur. Leur esthétique est bien sûr discutable, tandis que leur utilité est indéniable. Moi, elles me plaisent en tout cas, il y en a parfois beaucoup, d'accord, mais on n'a pas beaucoup d'autres solutions énergétiques dont on puisse être fiers. Écolo ? Si on veut. Simplement conscient qu'il faut voir et faire le monde autrement, dès maintenant. Folalier a quitté La Coruña en même temps que nous, pour la même destination : les îles Cies. Ils ont naturellement choisi la même escale refuge face aux éléments. Encore une soirée d'échanges sympas en perspective (ordi, navigation, expériences, impressions, rires).

Bon voilà, on est tout réjouis de savoir qu'une bonne nuit de repos nous attend. Ces courtes navigations intenses sont épuisantes car il est difficile d'entrer dans le ryhtme des quarts : 4 heures à la barre, 4 heures à la navigation = cartes, bouffe, rangements, repos et 4 heures de repos, puis ça repart. En plus, avec le gros temps, je vous laisse imaginer.

 

Dimanche 21 septembre 2003

Rangements, etc.
Pendant que Rémy part courir, avec Fred, nous explorons cette petite ville spécialisée dans la broderie (à force d'attendre leur marin de mari, ces femmes ont trouvé de quoi s'occuper). La cloche sonne d'un ton lugubre, devant l'église, il y a du monde ; en descendant l'avenue, on croise un corbillard et, plus bas, une procession funèbre de 200 personnes. Nous sommes seuls à aller à contre sens. On en conclu que ça ne se fait pas. Sentiment étrange.

En passant devant une école primaire fermée, je remarque une série de dessins sombres collés à la vitre pour l'œil des passants avec écrit, en gros et noir, "BLACK NEVER AGAIN". Sans commentaires...

On rejoint la plage qui garde de bonnes cicatrices, puis je laisse Fred pour mon premier footing-photos. Mais les batteries me lachent vite, les guiboles tiennent le coup, la côte est belle, ça motive. Un peu plus loin, je tombe sur une plage gardée par une tour de contrôle cargo à 100 mètres dans les terres, ça fait drôle.

On part le lendemain, la nav se passe bien et je reprendrais à l'arrivée aux îles Cies. À bientôt, Alex.

 
   
© Carnets de route - 2001. Valérie VdP, le 26/09/2003. Tous droits réservés.    
   
   
   
 


Je sais pas où c'est ! © CdR, 2003


Je sais pas où c'est non plus, mais c'est joli ! © CdR, 2003


L'équipage du Folalier, Steven et William © CdR, 2003


Répertorier les photos, écrire des emails, apprendre © CdR, 2003


Ça commence à bastonner... © CdR, 2003


Navigation en ciseaux, la classe ! © CdR, 2003


Le p'tit déj sacro saint © CdR, 2003


Les îles de la ten... laïlaïlaïlaï ! © CdR, 2003


Départ de Camarinas © CdR, 2003

Vendredi 19 septembre 2003, 11h30

Ma vie de quart en nav me permet d'écrire mon journal de bord mais je n'ai pas encore trouvé cette rigueur en escale. Nous avons quitté la Carogne à 14 heures aujourd'hui et nous nous dirigeons vers les îles Cies au large de Vigo. Endroit qualifié de petit paradis par les guides nautiques ; alors évidemment, nous ratons des endroits comme Camarinas, pourtant réputé magnifique, mais nous ne pouvons pas tout faire et puis, j'y reviendrais...

L'arrivée à la Corogne mardi 16 a porté notre première nav à 70 heures et 363 miles parcourus au GPS. Et c'était vraiment fabulaux pour nous trois.

Une fois posé et rangé el barco, notre premier soucis fut d'aller se doucher, et vers 23 heures, nous entrons dans la vieille ville dans le but de goûter la spécialité locale : le poulpe ! Les rues sont animées et l'ambiance est très sympathique. De retour au bateau, nous changeons de ponton car le nôtre est totalement exposé aux vagues des chalutiers qui entrent et sortent toutes les dix minutes. Et, une fois arrivés à notre nouvelle place, très calme, nous sommes interpelés par un Français qui nous dit :
- Vous connaissez une Barbara ?
- Celle du Cambodge ? répond Alex.
- Oui, c'est elle ! répond l'homme.
On peut difficillement se tromper de personne. S'en suit le premier apéro sur leur Océanis 370, nommé Folalier. Ils sont partis de Brest la veille de notre départ, et ont reçu du gros temps. Ils rejoignent San Francisco par la même route que nous (la route est la même pour tout le monde).

Le lendemain, mercredi 17, sera consacré à la visite de la ville à pieds, et nous cherchons aussi quelques matériaux pour le bateau. À 19 heures, rendez-vous avec William et Alex pour le footing, direction la plage où nous attendent Fred et Steven (William et Steven forment l'équipage du Folalier); avec de quoi dîner. Un foot sur la plage, une baignade et nous méritons bien un apéro et une bonne bouffe sur une roche devant la mer. De retour au bateau, on continue à boire des coups dans un petit bar sympa. RDV demain à 8 heures à notre bord pour un p'tit déj et un départ ensemble pour les Cies.

Mais le lendemain, une purée de pois s'est abattue sur la région. La journée sera passée à diverses activités dont le tri des photos et l'écriture d'emails. Une réunion du soir avec Folalier nous programme un nouveau départ le lendemain vendredi 19 si le brouillard se lève.

Et, ce matin, le brouillard s'est levé, le temps est magnifique. Trop même car cela fait six heures que nous faisons du moteur direction 220° (SW). Le vent est d'Est mais quasiment inexistant. Vivement un brin d'air que l'on puisse à nouveau faire du spi. L'arrivée aux Cies prévue dans l'après midi de demain où nous serons enfin au mouillage dans un environnement naturel.

Hier, j'ai calculé la distance, les escales et le trajet pour arriver au Cap Vert le 31 octobre (date prévisionnelle. Résultat : il nous reste 42 jours, dont 23 de nav. Nous disposons donc de 19 jours d'escale. À nous de répartir ces jours d'escale à notre convenance, mais comme toujours, il nous faut du vent. Nous sommes au moins d'accord tous les trois sur une chose : descendre au Sud vite car il ne fait pas encore assez chaud ici. Je vais dormir deux heures car mes yeux se ferment et je crois que l'écriture en subit les conséquences...

 

Mercredi 24 septembre 2003, 14 heures

Nous venons juste d'accoster à Vigo, et il fait très beau et très chaud. je n'ai pas écrit depuis plus de quatres jours et je suis un nul ! Je vous propose donc un petit retour en arrière. J'en étais resté à pétole de vent. eh bien il s'en est passé des choses depuis ! la pétole s'est poursuivie dans l'après-midi et sur le bulletin météo de la BLU de 13h30, ils annoncent du vent de Sud 3 à 5, devenant 4 à 6, avec une mer devenant forte. Étant donné que nous avons du vent de Nord force 0-1, je ne vais pas prendre ces prévisions au sérieux et je vais le regretter (après tout, la météo se trompe parfois, mais pas cette fois-ci). L'après-midi se déroule tranquillement, et au lieu de suivre la route directe pour les Cies, nous nous écartons de la terre pour obtenir un peu plus de vent. Mais nous n'avançons qu'à 2 ou 3 nœuds.

Vers 23 heures, lorsque je vais me coucher, Alex et Fred hésitent à rallumer le moteur. Et en trois heures, nous nous retrouvons avec 3 ris dans la GV et un petit génois : le vent souffle du Sud, la mer se forme et devient bientôt démontée. Au près, dans ces conditions, la nav est très dure pour tout le monde. Les vagues arrosent le pont en permanence, le hublot avant que je croyais étanche depuis notre dernière intervention fuit toujours et bientôt, la cabine avant devient inutilisable, la barre est dure et dans cette route, nous nous retrouvons vite dans le rail des gros cargos, au large du Cap Finitère, avec une visibilité médiocre.

Au petit matin, quelques éclaircies rendent les couleurs un peu plus sympas, mais ça ne dure pas. Dans ce gros temps, y'en a une qui est contente, c'est l'éolienne ; au moins, nous n'aurons pas de problème d'énergie. Je vais m'offrir un quart de 9 à 11 heures assez mouvementé, tout en chantant en français, en anglais et en espagnol. Tout le bruit environnant me permet de gueuler à pleins poumons sans déranger Alex et Fred qui dorment dans le carré. Au moins les toiles anti roulis sont solides (merci YoYo).

À 11h30, quand Fred prend la barre, j'ai le temps de me pencher sur la nav : il nous reste encore 40 miles avant les Cies, ce qui veut dire que nous en avons pour 8 à 10 heures de route dans ce coup de tabac, avec, pour couronner le tout, une arrivée de nuit. Mais au Nord-Est, à 20 miles se trouve la baie de Camarinas. Alors arrêtons-là la torture et remettons ce bout de chemin à un temps plus clément. On n'est pas là pour se pourrir la vie.

Nous ne mettons pas longtemps à être d'accord : demi-tour. Tant pis pour le temps perdu, nous serons à Camarinas en trois heures à 7 nœuds (évidement au vent arrièrre, ça marche mieux). Arrivée vers 16 heures. Nous trouvons une série de bateaux qui comme nous étaient à La Corogne, comme noue, ont voulu faire du Sud et, comme nous, se sont déroutés ici pour attendre la fin de ce grand frais (force 7).

Le lendemain, dimanche 21, le soleil et le vent nous permettent de faire sécher le bateau et mous pouvons enfin envoyer nos emails à Carnets de route. La visite de la ville, les bricolages, le footing et le repos seront nos activités dans ce petit port.

je fais une pause pour aller me doucher et faire des courses. À bientôt et bon courage. Ça vous plait toujours ? Non ! Pas possible !

 

Lundi 22 septembre 2003, départ de Camarinas

Vers midi, nous quittons ce joli petit port typique pour, une fois encore, les îles Cies, et descendre dans le Sud. mais cette fois, la météo nous prévoit du NNW et NE 2 à 4 pendant 24 heures. Parfait, cette fois, c'est la bonne. Et biensur, le vent nous fait défaut, en cemoment, ou il est trop fort, ou il est trop faible. Cependant, nous arrivons à faire un petit 3 nœuds avec retenue de bôme et génois tangonné en ciseaux (une voile de chaque côté). Nos conditions vont m'offrir un luxe que j'attendais depuis le début de notre corisière : la nuit, sous une cloche à fromages d'étoiles, la barre amarée, je passe quatre heures à lire (toujours cette merveille de Jules Verne) et ça, c'est de la crème de navigation.

À trois heures, c'est l'heure de réveiller Alex, et pour moi, d'aller dormir. Le vent tourne au NE comme prévu et nous faisons du travers direct sur les Cies à 5,8 nœuds de moyenne depuis trois heures. je leur passe la nav avec précaution car le passage entre la terre et les îles demande de l'attention. Et puis une arrivée de nuit au mouillage dans une baie noire n'est pas ce qu'il y a de plus simple. La consigne est claire : me réveiller au moindre doute. Mais je ne voulais pas être réveillé car je savais ces deux messieurs capables de nous faire ça proprement. Et ils nous l'ont fait aux petits oiognons. On ne prend ses responsabilités que lorsque l'on ne peut se reposer sur personne. On range de bateau, il est 6h45 le mardi 23 septembre.

Nous nous reveillons vers midi, après six heures de sommeil bien mérité. gros p'tit déj, le paysage est fabuleux. il fait beau, les couleurs sont splendides, et on voit le fond par 7 mètres d'eau. une bonne baignade dans l'eau froide avant de manger, ça finit de bien vous réveiller et qui voyons-nous arriver ? Folalier bien sûr, qui fait une petite halte avant de foncer sur Lisbonne où les sœurs de William arriveront samedi.

Nous descendons à terre avec notre "super annexe" et après une nouvelle baignade, nous allons découvrir l'île. Pendant qu'Alex part au Nord pour faire un footing, Fred et moi allons flâner au Sud, sans but précis. La plage est faite d'un beau sable blanc, les poissons pullulent dans une eau transparente, les sentiers entre les roches et les pins dégagent une odeur et une fraîcheur exquise. Après une heure de marche, nous voici au sommet de l'île, sous le phare principal et là, le panorama va sur 360° : la baie de Vigo d'un côté, le large de l'autre. Ceux qui ont dit du bien de ces lieux n'ont pas tord. De retour à l'annexe, nous allons voir l'équipage du Folalier qui est sur le point de lever l'ancre. Quel bonheur de ne pas être pressés...

En arrivant à notre bord, je fais l'avant dernière vaisselle comprise dans la semaine perdue sur un pari, et en fait, cela ne me poserait aucun problème de continuer car la nouvelle plate-forme arrière, c'est du bonheur. L'apéro sera composé de pina colada avec du Havana Club 3 annos (coucou les Cubains), et le repas préparé par Alex est un délice. En fin de soirée, nous goûtons une Prune offerte par mon pote Jean-Luc pour notre départ (merci) et Fred dira, sans tord : "ça fait pas quinze jours qu'on est parti et vous tapez déjà dans les réserves !" Le coffre contenant ce genre de choses est appellé "gourmandises". Il est minuit et c'est toujours un bonheur de se coucher pour une nuit complète. demain, Vigo.

 

Mercredi 24 septembre 2003

À 10h30, nous quittons cet endroit idéal par un très beau temps et rejoignons le grand port de plaisance de Vigo après trois heures de moteur. Nous accostons à 14h30. Le port est fermé aux visiteurs, c'est-à-dire que les pontons ne sont pas accessibles aux passants comme au port de La Corogne. Des portes grillagées, fermées à clés ou à cartes interdisent aux curieux de flâner sur les pantalans (pontons en espagnol). je trouve ces procédés complètement nuls, et il y a même une caméra qui visionne les quais en permanence, avec les images directement à la Capitainerie : bonjour l'intimité. Notre ponton est le long d'un grand môle qui sert de promenade à tout le monde et une grille donne l'impression d'un zoo. On ne sait plus de quels côtés sont les animaux. Bref, passons.

Fred monte le vélo et nous installons le bimini sous un ciel tout bleu et un soleil radieux. Nous faisons chacun nos activités : Alex prend le vélo pour trouver du matos électrique, Fred essaie d'améliorer le hublot avant et moi, je bricole et passe deux heures à écrire les six premières pages de mon journal pour Carnets de route.

Ce soir-là, j'étais motivé pour sortir dans la ville, mais un bon repas et la fatigue me feront lire tranquillement à bord, pendant qu'Alex et Fred iront boire des coups. Mais la ville est morte. Bon, je sature, alors je vous fais des gros bisous, vous dit bon courage et à bientôt ! Rémy.

 
   
© Carnets de route - 2001. Valérie VdP, le 13/10/2003. Tous droits réservés.    
   
   
   

 


Au petit port de pêche de Vila do Conde © CdR, 2003


Un champ de filets de pêche © CdR, 2003.


Dans une ruelle de Vigo où l'on se perd ? © CdR, 2003.


La construction d'une caravelle en bois © CdR, 2003.


Y'a un chantier au black à faire au Portugal © CdR, 2003.


C'est pas facile la pêche ! © CdR, 2003.


Elle est pas là pour être belle. L'éolienne à bord d'Emma © CdR, 2003.


Joe le marin H24, notre mascotte © CdR, 2003.


il faut bien bosser des fois © CdR, 2003.

 

• La suite des journaux de bord et toujours plus de photos... Youpi !

On vient de quitter le petit bled de Vila do Conde.

Je reviens sur les îles Cies et mon photo-footing épuisant durant lequel je croise William faisant le sien. Mes coéquipiers n'ont pas encore fini leur tour lorsque j'arrive à l'annexe sur la plage. J'y laisse mes chaussures, rentre l'appareil photo dans mon sac étanche et plonge dans cette eau aussi bleue que fraîche (en fait, j'y vais à tous petits pas), pour rejoindre Folalier à la nage. Ils sont à bord et préparent leur départ. Encore une fois, je me retrouve frigorifié, eau fraîche, petit vent du soir, il ne m'en a pas fallu plus.

Ces îles sont superbes, classées réserves naturelles, elles le méritent, bien que les eucalyptus et les pins de doivent pas être d'origine ; face à une grande ville comme Vigo, la ballade vaut le détour et je pense qu'une séance d'apnée doit combler le touriste. Nous restons trop peu de temps pour ça, d'autant que la chasse sous-marine est interdite et dans une réserve, ça se respecte. j'ai hâte de tester l'arbalète aquatique.

Stev et Will ne sont restés que quelques heures, ils s'inquiètent de se faire attendre s'ils tardent à rejoindre Lisbonne. Ils m'offrent un brin de douche à l'eau douce (leur réservoir fait 400 litres, le nôtre en fait 100), une serviette de bain et un jus d'orange. Rémy et Fred nous abordent et une passionnante conversation de passionnés débute, point trop longue mais intense. Dans ces occasions, je regrette de ne pas avoir le mini-disque à portée de main. Quelques unes des conversations ou entrevues qu'il m'a été donné d'enregistrer ont beaucoup de valeur à mes oreilles, notamment ces temps-ci, lors des interminables quarts nocturnes truffés de coups de barre, quelle rigolade parfois ! Je viens de découvrir qu'à trois, on parle de tiers, ça semble logique, mais ce n'est pas répandu, et on parle toujours de quarts, peut-être les équipages sont-ils toujours en nombre pair ? De chaleureuses salutations nous séparent de ces fous à lier. Pour suivre leurs aventure, je vous conseille de jetter un œil sur www.folalier.com, où ils publient une photo commentée par jour.

Retour à bord d'Emma, apéro. Il nous reste encore quelques demi-herues de soleil, de quoi me réchauffer un peu. Nous sommes partis tard pour ce type de voyage qui ressemble maintenant à une course contre le froid qui s'affirme, alors qu'on vogue vers des latitudes plus clémentes. Mais en attendant le Cap Vert, plus on descend plus il fait froid. Pour la première fois, je sors mon duvet en plus de mes poches habituelles.

Au matin, nous partons pour Vigo, sans sortir une seule voile (petit air et de face), trois heures de moteur et hop. j'en profite pour taper du texte et organiser les photos du prochain envoi.

On est bien à Vigo, sans savoir exactement pourquoi. Fred sature des grandes villes portuaires mais il fallait encore une escale logistique, le régulateur d'allure ne fonctionne toujours pas et il y a d'autres bricoles et d'autres courses à faire ; enfin un gros jambon ! En écrivant ces lignes, j'en vois le sabot qui dépasse !

Les Espagnols sont vraiment accueillants et attentionnés mais ils emploient trop de mots et parlent trop vite, comme s'ils ne comprenaient pas que l'on ne comprend pas. Pour la première fois, Fred monte le vélo VTC : quel luxe à bord d'un si petit bateau, pour découvrir une ville et trouver LA boutique qui vend LE boulon qu'il nous faut et ramener des packs d'eau sans se briser le dos.

Depuis le départ de Bretagne, Rémy et moi ne voulions plus avoir à travailler sur Emma, on a donné déjà, mais c'est une tourbillon de bricolage sans fin. Maintenant que l'on s'est reposé, la bricole revient naturellement. Fred s'occupe des fuites du hubot avant, moi du pilote et Rémy de mille et une petites choses qu'il vous contera lui-même.

Il paraît que l'on se perd à Vigo, dans les petites ruelles qui montent et descendent. Ça ressemble un peu à une grande butte Montmartre, que dire de plus ? Le plus clair de notre temps était consacré au bricolage et une longue soirée au cyber café. Les rues sont étonnamment vides le soir, peut-être faut-il attendre la fin de semaine ? Nous partirons avant.

Les lumières de Vigo nous souhaitent bonne mer. C'est le genre d'image qu'on ne peut vous envoyer, comme ces cieux puissamment étoilés, loin des lumières de la côte, alors que plus rien n'apparaît à l'horizon, juste le ciel qui se pose sur l'océan. La voie lactée trace un chemin d'étoiles dans le ciel et il me plaît à rappeller que notre galaxie en spirale ressemble à un 33 tours, que notre système solaire joue le deuxième morceau, en regardant l'axe de rotation, les sillons de musique stellaire se superposent, cette densité d'étoiles nous donne la voie lactée, le reste est plus sombre car plein de vide. La mer est un des meilleurs endroits pour observer le ciel à l'oil nu, la pose photographique lonhue reste malheureusement impossible.

Où en étais-je ?

Un phénomène marin magique : la phosphorescence du plancton. De la plage, on peut observer des lueurs dans le rouleau des vagues. Cela dépend du lieu, de la saison, de la luminosité et de l'attention ; leur intensité varie aussi. En fait, ce sont les restes dilués des déchets d'uranium sensés nettoyer la Hague. Non, je plaisante, bien que le sujet ne soit pas drôle car il existe des analyses très controversées dans ce secteur. La vérité est que tout mouvement d'eau excite les cellules photoluminescentes d'un certain plancton. Des chimistes se sont inspirés de ce phénomènes naturel pour créer ces barres luminescentes que l'on brise et secoue pour obtenir quelques heures d'une douce lumière plutôt verte. On les utilise en spéléologie et ailleurs. Lors d'une plongée nocturne de mon adolescence en Méditerranée, le moniteur nous a demandé d'éteindre nos lampes un moment et d'agiter nos membres. cela créa un halo de lumières féériques autour de chacun de nous, avec le noir total autour et l'effet d'apesanteur de la plongée, je me croyais dans l'espace intersidéral. Et mon voisin laisse une empreinte lumineuse égale à celle qui imprime la neige lorsqu'on fait l'ange. Dans le sillage d'Emma, et le long de ses flancs, on observe ces lueurs. Ces eaux que l'on fend sont les plus riches en plancton que j'ai jamais vu. Quel spectacle !

On pourrait croire que l'histoire du plancton phosphorescent s'arrêt là, hé non ! Imaginez maintenant qu'une de ces bandes de joyeux dauphins entre en action, jouant avec les écoulements d'eau le long de la coque. Ceux-là nous ont offert un ballet son et lumière, orchestré par Dame Nature, une sorte de chorégraphie en feux d'artifices subaquatiques à rendre jaloux nos plus grands chorégraphes. On s'y noierait d'extase. Voilà, finies les histoires de strass dauphinesques des cétacés super stars.

Bon, où en étais-je bon sang ?!

Ah oui, on a quitté Vigo à la nuit, pensant rejoindre Lisbonne d'une traite, mais les dépressions dépressives ont un grand congrès au-dessus de nos têtes et nous offrent pétole, d'un vent en contre sens en plus. Les dauphins nous soutiennent mais on n'avance pas et personne à bord n'aime avancer au moteur. Il nous faut pourtant aller au Sud sans tarder. Tiens, on a croisé des ailerons qui ressemblent à ceux des orques, trop loin pour confirmer. Les lignes ne donnent rien, on pêche nos possons à l'ouvre-boîte.

Durant mon 1/4, ou mon 1/3 plutôt, de trois heures à sept heures du mat', j'écoute un enregistrement de novembre 2001, à bord d'Emma vers Douarnenez en Bretagne, lors de nos premières navigations sur ce frêle esquif, bonne ambiance à bord. Je ris tout seul. Ils dorment.

On jette l'ancre devant Vila do Conde, on sera balloté toute la nuit. Une étagère qu-dessus de ma tête prend vie pour grincer violemment sans discontinuer. Elle me fera vivre l'enfer nocturne par son râle qui se matérialise en rêves lugubres dans mes songes. Je dors mal, me lève tôt et de mauvais poil. L'encyclopédie humoristique et illustrée de la voile me ramène de meilleure humeur (merci à Michel et Nelly du port du Crouesty).

Tout à l'heure, nous sommes entrés dans le port de pêche avec la marée montante, une salve de canon nous accueille, ça surprend. On ne saura pas la raison de ces coups de canon. Gasoil, eau, pain, resto et on repart. Le port de pêche donne sur des chantiers navals, sobres, en bazar, espaces dégagés, grandes constructions en cours, impressionnant, passionnant. C'est à bord de caravelles que les Portugais lancèrent leurs expéditions en Afrique et que Bartoloméeu Diaz franchit pour la première fois le cap de Bonne Espérance en 1487. Christophe Colomb et Vasco de Gama firent leurs découvertes avec ce type de bateau qui disparut au 17ème siècle. Pour finalement réapparaître en 2003, en construction dans un chantier naval d'un petit bled du Portugal.

On a quitté Vila do Conde, Diaz, Colomb et Gama, mes améliorations sur le pilote ne suffisent pas, y'a encore du boulot, GRRRRR... d'ailleurs, ça me rappelle que c'est pour ça que j'ai sorti mon journal pendant mon 1/3 de nav, pendant que Fred a du mal à se tenir éveillé à la barre, pour noter ce qu'il manque et ce qui reste à faire : rallonger la pâle aérienne grâce à des manchons de jonction à coller ; besoin de forets D 8,1 et 8,2, vérif. Si on a du 8,2 pour agrandir le chemin de l'axe en Z ; fixer l'amarrage d'enclenchement du pilote à la barre devant le stick (rallonge de barre) pour plus de levier.

22h50, Rémy vient de se lever pour son 1/3, je vais me coucher, à +.

3h20 du mat', c'est mon 1/3. Rémy s'est installé à la table à cartes pour remplir son journal. Il a mis des bouchons d'oreilles car nous troublons un océan d'huile mixé par notre hélice, laissant derrière nous une trainée de mayonnaise phosphorescente. Un dauphin vient juste de passer, suivi de sa traine luminescente, encore ! Le temps que j'aille éteindre les feux pour l'observer et le voilà reparti. cette aisance qu'ils ont à se mouvoir dans l'eau me rend jaloux, ça donne envie d'être réincarné en dauphin plutôt que poussière, ou en orque... Ils semblent ne faire aucun effort pour glisser si vite dans et hors de l'eau pour de folles pirouettes.

Mars est seule à traverser la brume sur tribord, alors qu'Orion a son fleuron d'étoiles sur bâbord. Mars est très lumineuse ces temps-ci. Il paraît que les derniers hommes à l'avoir observée si brillante, si proche, sont ceux de Cro-Magons, il y a 70 000 ans. Ça tombe bien puisque aujourd'hui on a la technologie suffisante pour profiter de l'occasion et envoyer une sonde. La prochaine fois sera peut-être une fête nationale pour notre nouvelle colonie martienne ?! Pour moi, cette planète à lueur rouge m'a servi plusieurs fois de repère, histoire de regarder autre chose que le compas et éviter ainsi un torticolis. À la barre, je la cadre dans une lucarne, entre le hauban et le bas hauban sur tribord. De temps à autre, je la recadre, dans l'axe de tel chandelier (montant de balcon) ou au-dessus du moteur de l'annexe. Là, pas besoin, mer calme et moteur, c'est l'abruti du bord qui fait le travail : le pilote électronique. Je me permets de l'insulter car ce sont les seules conditions dans lesquelles on puisse lui faire confiance. L'autre, le régulateur d'allure, ne le vaut même pas encore. Il but serait qu'ils se complètent, mais il reste encore du boulot pour ça.

Que nous rapporteront-ils de Mars ? La théorie selon laquelle il y a de l'eau parce qu'on y a observé des lits de rivières ne tient plus depuis qu'un ype a démontré que des écoulements de sable et de roches, poussés par la gravité et les vents fous qui soufflent là haut, pouvaient arriver au même résultat que ces traces d'eau. Alors l'eau, y'a, y'a pas ? Reste à sonder les couches souterraines, y paraît qu'y'a d'la glace là-dessous, reste plus qu'à apporter l'apéro. Il n'empêche que si l'on trouvece précieux liquide sur la planète rouge, on trouvera bien quelque chose à modifier pour que ça pousse, en attendant une atmosphère viable, un nouveau territoire pour de nouvelles guerres...

 
   
© Carnets de route - 2001. Valérie VdP, le 16/10/2003. Tous droits réservés.